GUS, par Christophe Blain
Après avoir dessiné Hiram Lowatt et Placido sur un scénario de David B (2 tomes), Socrate le Demi-Chien sur un autre de Joann Sfar (2 tomes), la série Donjon Potron-Minet pour Trondheim et Sfar (4 tomes), après avoir publié le génial mais hésitant Réducteur de Vitesse dans la collection Aire Libre de Dupuis et créer la remarquée série Isaac Le Pirate (5 albums chez Dargaud, premier tome Alph-Art du meilleur album à Angoulême en 2002), Christophe Blain s'est lancé en 2007 dans une nouvelle aventure de son cru : Gus, qui comporte à ce jour deux albums.
Au premier abord, quand on se contente de feuilleter rapidement, on peut se dire que le dessin employé par Blain sur cette série est simpliste, sympatique certes mais pas très riche. Que neni! Quelle richesse au contraire! c'est merveilleux de vivacité, de dynamisme, de nervosité... Un petit régal.
En quelques mots, on pourrait résumer l'intrigue générale à ceci : "la libido de trois cow-boys". L'histoire tourne en effet autour de trois potes hors-la-loi qui écument diligences, trains et banques, mais qui la plupart du temps portent plus d'intérêt à leur quéquette qu'à leurs dollars. On suit ainsi les manigances de Gus pour se faire des poules, l'amateurisme de Gratt en matière de flirt et les amours passionés de Clem. Ici pas d'histoires d'amour à l'eau de rose ou exagérément tragiques, Blain leur préfère des histoires vraies, brutes. Il peut tout aussi bien s'agir de coeur que de fesse. Sans oublier le côté "bande de potes" qui plane sur la série et qui fait une bonne partie de son charme. On passe ainsi du flirt à la cuite, de la nuit d'amour à la rixe violente, du mot doux à la grossierté. Des histoires d'amour pour mecs. D'amour et d'amitié. De sexe et de violence.
Graphiquement c'est véritablement exceptionnel, riche, foisonant. Rarement des dessins auront atteind un tel niveau de vie, rarement un auteur aura réussit à donner autant de chair à ses personnages. Une suite de jeux de narrations et d'inventions graphiques. Blain invente encore et encore, se renouvelle, exploite la moindre ouverture à merveille pour mettre en image une nouvelle idée. De chaque case se dégage un foisonement de vie impressionant, les émotions sont rendus à merveille par tout un tas de procédés propres à l'auteur, souvent jamais vus auparavant, d'une éloquence très forte (le "noeud" dans la gorge de Clem en est un exemple significatif). La dynamique du dessin n'aurait quant à elle pas déplu à quelques Franquin ou autres Tezuka tant elle atteind des sommets, pouvant parfois rappeler de vieux dessin animés des années 30. La manière de courber nerveusement le trait rappelle aussi le Morris des débuts, un trait naturel, spontané, fort. Les protagonistes s'animent dans des décors souvent minimalistes, parfois très chargés, servis par un découpage qui va droit au but sans se poser de question. Et tout est ainsi : direct, simple, efficace, on est véritablement dans l'imagerie : montrer l'idée plutôt que la réalité à proprement parlée. Le resentit avant le réalisme.
Gus est une série hors norme, un western en dehors des codes habituels, un western humain et moderne. Une vraie BD de potes, séquencée en épisodes plus ou moins longs. Agréable à lire, relâché, sans fard, à l'écriture et au trait presque instinctifs. Un bol d'air frais.
Gus dans la Bedetheque
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